vendredi 7 mars 2025

L’impact environnemental de l’IA : concevoir un avenir plus durable

L'intelligence artificielle (IA) se développe rapidement, mais cette avancée s'accompagne d'un coût environnemental considérable.
Waco YOKOYAMA-LIZÉ

Waco YOKOYAMA-LIZÉ

Senior Consultant - Sustainability Lead (Talan France)

AI Robot hand image holding planet and Environment icon.

Une seule requête ChatGPT consomme dix fois plus d’énergie qu’une recherche Google. Aux États-Unis, les centres de données pourraient, d’ici 2030, utiliser la quantité d’électricité nécessaire à l’alimentation de 26 millions de foyers.

Avec des températures mondiales en passe d’augmenter de plus de 2,5 °C, une question s’impose : comment garantir que l’essor de l’IA ne se fasse pas au détriment de l’habitabilité de notre planète ?

L’intelligence artificielle peut être un levier pour la transition écologique, mais il est impératif d’en minimiser l’impact. Certaines entreprises explorent déjà des solutions, comme la réutilisation de la chaleur résiduelle ou des méthodes pour conserver l’eau, mais il reste encore beaucoup à faire.  

Et si nous repensions complètement l’infrastructure de l’IA, en nous inspirant des principes de la permaculture, où chaque sous-produit trouve une utilité et contribue à un système plus durable ? 

L'IA peut accélérer les solutions pour un développement durable, mais elle a également de lourdes répercussions socio environnementales.

Alors que nous sommes à un moment décisif, nous avons l'opportunité d'orienter l’IA vers une innovation positive et plus durable.

Accélérer la transition écologique

Le temps presse face au dérèglement climatique, et l’IA accélère tout… pour le meilleur et pour le pire. C’est précisément pour cette raison qu’il faut agir de façon stratégique : évaluer ses impacts, minimiser les dommages et mettre en place des solutions efficaces.

L’IA contribue déjà à la durabilité de plusieurs manières :

  • Amélioration de la recherche climatique et des analyses d’impact : En traitant des volumes importants de données en un temps record, l’IA optimise la modélisation climatique et l’évaluation des critères ESG. Google Earth Engine, par exemple, combine des images satellites et des données géospatiales pour mieux suivre l’évolution des forêts. De même, le Machine Learning facilite l’organisation des données et rend les modèles climatiques plus précis et exploitables.
  • Renforcement de la gestion des catastrophes : L’IA affine les prévisions de catastrophes climatiques et renforce les systèmes d’alerte. DeepMind, par exemple, a mis au point un modèle capable de prévoir avec une précision les inondations, les ouragans et autres événements climatiques extrêmes, aidant ainsi les autorités à mettre en place des stratégies d’adaptation.
  • Optimisation des scénarios d’adaptation et d’atténuation : L’IA rend la modélisation des scénarios climatiques plus rapide et plus fiable. Elle permet notamment d’anticiper l’impact de la montée des eaux sur les zones habitées et d’aider les collectivités à mieux se préparer aux risques.
  • Simplification de la gestion des critères ESG : Les rapports environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont souvent complexes et chronophages, retardant la mise en place d’actions. De plus en plus de start-ups utilisent l’IA pour simplifier la collecte et l’analyse des données souvent coûteuses ; le temps ainsi libéré peut être consacré à l’action concrète.
  • Innovation pour des matériaux plus durables : En prédisant les propriétés des matériaux sans passer par des phases d’expérimentations longues et coûteuses, l’IA révolutionne la science des matériaux. Elle favorise le développement de technologies plus résistantes aux aléas climatiques, comme les batteries de nouvelle génération ou les matériaux ignifuges.
L’impact environnemental de l’IA

Le potentiel de l’IA est immense, mais son coût environnemental l’est tout autant. L’infrastructure qui la soutient (l’une des plus vastes expansions technologiques de l’histoire) consomme des ressources colossales :

  • Énergie : Les centres de données, essentiels au fonctionnement de l’IA, représentent déjà 2 % de la consommation mondiale d’électricité. Une seule requête ChatGPT consomme dix fois plus d’énergie qu’une recherche Google. 
    Aux États-Unis, les centres de données pourraient, d’ici 2030, utiliser la quantité d’électricité nécessaire à l’alimentation de 26 millions de foyers.
  • Eau : Le refroidissement des serveurs nécessite des millions de litres d’eau. 
    Un centre de données moyen (15 MW) consomme autant qu’un grand hôpital ou deux terrains de golf.
  • Matériaux : La production de puces en silicium et de systèmes de refroidissement entraîne une importante consommation d’énergie et d’eau, accentuant encore la pression sur les ressources naturelles.
  • Pression sur les ressources locales : L’impact de l’IA est particulièrement préoccupant dans les régions où l’eau et l’énergie sont déjà limitées. 
    Aux États-Unis, 20 % des centres de données se situent dans des régions sujettes au stress hydrique, tandis que Taïwan et l’Arizona font face à des pressions croissantes sur leurs ressources en eau et en électricité.

Nous avons déjà dépassé l’objectif de 1,5 °C de réchauffement global, et nous nous dirigeons vers une augmentation de 2,5 °C, ce qui entraînera un effondrement généralisé des écosystèmes, une augmentation des événements climatiques extrêmes et des répercussions catastrophiques sur la sécurité alimentaire, le niveau des mers et la santé humaine. Alors que des milliards de dollars sont investis dans l’IA (ce qui impliquera plus de centres de données et donc une accélération des émissions), il est légitime d’être préoccupé par ces évolutions.

Vers une approche plus intelligente et durable

Malgré ces défis, certaines initiatives montrent qu’un usage plus durable de l’IA est possible. Plusieurs centres de données ont réduit leur consommation d’eau et d’énergie grâce à des solutions ciblées : réutilisation des eaux usées au Texas, à Washington et à Singapour, récupération des eaux de pluie aux Pays-Bas, en Irlande et en Suède…

Certaines initiatives vont encore plus loin dans l’innovation. Au Danemark, la chaleur excédentaire des centres de données est récupérée pour chauffer 6 000 foyers. Plutôt que de d’être gaspillée, l’énergie nécessaire au refroidissement des infrastructures est réutilisée pour couvrir des besoins essentiels.

Ces initiatives sont prometteuses mais elles demeurent encore trop isolées. De la même manière que les normes de santé et de sécurité sont devenues incontournables dans toutes les industries, la durabilité doit devenir une exigence fondamentale et non négociable.

Priorités pour 2025

L’impact de l’IA dépend du cadre que nous lui donnerons. Voici les actions prioritaires à mettre en place dès maintenant :

  • Établir des cadres réglementaires : Les gouvernements et les entreprises et la société civile doivent collaborer pour élaborer des politiques alignant le développement de l’IA avec les principes ESG (durabilité, équité, protection des données, gouvernance éthique).
  • Faire de l’IA un outil à impact positif : L’IA doit être mise au service des enjeux environnementaux et sociaux, et non devenir un facteur aggravant des crises actuelles.
  • Optimiser la durabilité opérationnelle : Les infrastructures doivent être repensées pour réduire leur impact. Par exemple, un audit mené par Microsoft en 2022 a permis d’identifier des ajustements réduisant de 90 % leur consommation d’eau.
  • Concevoir des infrastructures durables : Les centres de données doivent être durables dès leur conception et implantés dans des zones où les ressources sont disponibles. Ils doivent reposer sur des technologies responsables pour minimiser la consommation d’énergie et d’eau.